05 - L'oreille cassée

Tintin revient de son voyage en orient, on voit d'ailleurs une déco chinoise dans son appartement (p3, représentée ci-dessous). Tintin est un reporter en pleine action, à la page 2. Ensuite, c'est plutôt un détective, ou un grand reporter, qui ne rend pas son article.

Les noms sont très présents, pour qu'on situe l'histoire dans un monde réel. On connait les noms des protagonistes, leurs adresses (Docteur Eugène Triboulet au 120 rue du troubadour, calle del sol, calle de Alcala...). Et Hergé créé pour la première fois 2 pays imaginaires, lointains, mais au départ d'une ville connue, et très proche : Le Havre. Le voyage est ancré dans notre monde.

Les personnages qu'on aimera, sont déjà là. Hergé, jusqu'à l'apparition DU professeur, nous en balance régulièrement, toujours distraits. Le conservateur du musée, la cuillère sur l'oreille (p2), touille son café avec son crayon. Un professeur sort de nulle part (p6), et n'intervient absolument pas dans l'histoire (la ligne claire n'est pas encore) : il rencontre juste le perroquet tant convoité. Son apparition est tordante. Hergé place souvent des professeurs, mais aussi des docteurs ou ingénieurs : assez peu de gens ordinaires, à part les petites gens (concierge, serviteur, chauffeur...)
Haddock est déjà là, sous les traits du général Alcazar. Gros bonhomme, rieur, grande gueule, jure de "tonnerre de tonnerre". D'ailleurs, quand on le rencontrera de nouveau, avec Haddock, il sera beaucoup plus fin, effacé... un autre homme face à sa ré-incarnation ! N'oublions pas, aussi, que Tintin quitte Alcazar avec ses tueurs aux trousses.

Les curés comme les armées sont dans l'univers d'Hergé. Il ne touche pas à l'église, qui l'a lancé dans le métier (et la vie) mais tire sur l'armée. L'armée mexicaine et ses wagons de colonels. Mais aussi sur les marchands d'armes et les colonisateurs industriels.

Une fois de plus, Hergé abuse des déguisements, lors du voyage sur La ville de Lyon.

Le juif est là à nouveau, mais surtout, les relants d'antisémisme d'Hergé. Le représentant de la compagnie Anglaise des Pétroles, l'antiquaire et Goldwood (basé sur le boss de la MGM). Tous hommes d'affaires, pas super sympathiques.
Hergé illustrateur :

Les suspens en bas de page ne sont pas très nombreux, 13 révèlent des fins d'action, et 13 nous laissent à bout de souffle.

Comme dans les tomes précédents, Hergé glisse un insert, en forme de loupe. Il utilise aussi des petites cases, 6 à la suite pour illustrer le combat d'échec.

Le nombre de case de l'album rompt la croissance observée depuis le Congo. Il y a environ 14 case par page (entre 11 et 20).

L'orage salvateur de la p27 est annoncé innocemment p24.

Hergé utilise quelques cases informatives : 3 cases extraites d'un livre (p2), des lettres, un journal, une carte de visite. Soit 10 images.

Hergé utilise Milou en arrière plan, les eclaboussures des voitures, le pipi discret, sa frayeur face au crâne...

Les personnages :

les amis : Les Dupontd sont là, et mènent le début d'enquête. La nouveauté, c'est qu'ils sont stupides, en plus d'être maladroits.
Alcazar fait de Tintin son aide de camp, sur un malentendu. Il n'y a pas franchement d'amitié, juste une collaboration, qui tourne au vinaigre.
Pablo, d'ennemi, devient l'ami de Tintin devant sa bonté. Il lui donne même la main, comme à un enfant. Pablo devient son ami... mais pour combien de temps ?
Ridgewell est un explorateur qui entraine Tintin dans la forêt, un peu initiateur, mais sa rencontre est très rapide.
les ennemis : Les principaux ennemis sont Alonzo Perez et Ramon Bara (?). On les voit mourir, et c'est très marquant ! Ils cohexistent avec Diaz, le colonel déçu, et les salauds de capitalistes et leurs hommes de main. Ca tire dans tous les sens, les balles perdues sauvent Tintin.
Alcazar devient l'ennemi de Tintin, mais Tintin est au Nuevo Rico.
Milou et Tintin : Sur les 888 cases de l'album, on retrouve Tintin sur 54% d'entre elles, et Milou sur seulement 29%. Mais la pluspart du temps où il n'est pas là, c'est juste une question de cadrage, qui obligerait Hergé à toujours dessiner Tintin en pied... Tintin est absent de 2 pages, et Milou de 10. Milou fait beaucoup moins de commentaires intempestifs que dans les albums précédents. Parce que Milou est encore un peu humain : il parle à Tintin (8 fois sur ses 255 présences) qui lui parle 18 fois, comme à un chien et parfois comme au lecteur qu'il ne veut pas voir, qu'il ne peut percevoir. Et il est étrangemment mis en prison p36, alors qu'il était laissé à la porte p19. Sans complice, on prendrait rapidement Tintin pour un fou, à parler tout seul, parce qu'il à des choses à révéler au lecteur. Parce que Hergé n'abuse absolument pas des cases récitatives comme Jacobs, tout doit être dit ! Tintin dit de temps en temps "nous", mais c'est le plus souvent "je", ce qui fait dire à Milou :


Milou parle dans sa tête (7 fois), nous parle aussi (2 fois), pour nous prendre à témoin. Il aboie 5 fois, lorsqu'il a peur, lorsqu'il souffre, et quand, pour finir l'histoire, il fait le bon chien-chien. Mais globalement, Milou est muet (91% de son temps de présence). Il ne sert à rien (j'l'ai déjà dis ?).
Milou fait pipi, sur la dernière case ci-dessus... et c'est assez rare pour être mentionné.
L'amitié :

Pas de super amitié dans cette histoire, il faut se remettre de celle d'avec Tchang.
Tintin est assez seul. Mais on entend "amitié" dans la bouche des Dupontd, quand ils retrouvent Tintin. Et Tintin, quand il se parle, s'appelle "mon ami".
La famille :

Pas de famille non plus, aucun lien de parenté. Les personnages sont seuls. Vraiment seuls dans cette histoire !
La durée :
L'histoire se déroule sur 54 jours, toujours avec mes aproximations ("quelques jours" = 5 jours). Les temps morts sont gommés au début. Beaucoup d'actions le même jour : le perroquet s'échappe, l'annonce parait dans le journal, l'oiseau est récupéré !!!!
La dernière case est un épilogue, que je n'ai pas situé dans l'aventure.
Par contre, j'ai rencontré un petit problème :

p11, c'est le soir, le bateau part dans la soirée du Havre, et pourtant, on y arrive sans problème, et il fait plutôt jour.
Les voyages :
Les lieux sont identifiés dans la ville de départ, sans doute Bruxelles (où les volants des voitures sont à droite !). Les pays de destination sont assez connus finalement : capitale, région (Gran Chapo), dirigeants, drapeau...
J'ai eu juste un petit problème pour faire la carte. Bon, déjà, le Mexique me semblait le mieux. Pays d'Amérique centrale où les dictateurs se succèdent, mais suffisamment vaste pour permettre les échappées de Tintin. Hergé place l'action en Amérique du sud, mais ça ne colle pas trop. Mais Tintin part du Nuevo Rico, sur le fleuve, chez les Arumbayas du San Theodoros. On repasse donc la frontière, puis, on la re-repasse pour arriver à Sanfacion. Les fleuves sont pourtant de bonnes frontières !
Science et magie :

La science est encore assez loin. On a les professeurs, mais juste leur distraction. Une mission scientifique réduit cependant à néant les espoirs de stock-options des enfoirés de capitalistes.

La magie est là. Le fétiche a un coté sorcellerie (p2 et 3). Chez son dernier possesseur, on croit entendre un fantôme.
Chez les arumbayas, on retrouve à nouveau le méchant sorcier du Congo, celui qui veut le pouvoir. Une sorcellerie n'est en fait que le fait de Ridgewell, ventriloque. Il est aussi question de l'esprit de la forêt.
Les rêves et la folie :
Les rêves :
On ne rêve pas, on est dans une aventure terrienne et sylvestre.
La folie :
On n'est pas fou non plus.
La mort et la maladie :
p30, et c'est très drôle, Alcazar attrape la jaunisse.
p50, un indien veut sauver son fils malade, avec Milou comme ingrédient.

L'alcoolisme est sans doute une maladie. La sobriété est vantée comme une qualité (celle de feu Balthazar). Le stewart ivre vend des mèches aux Alonzo et Ramon.
Et surtout, Tintin est saoul comme un cochon, et son courage face à la mort tourne à la grosse farce, et engendre le malentendu qui le portera aux cotés d'Alcazar. Avec une petite gueule de bois.
Pablo nous rassure plus loin : "ils tirent comme des ivrognes".

Milou a peur d'un crâne p4.
Tortilla est tué dans l'obsurité, et son corps est jeté par dessus bord.
Tintin, lui, fait face dignement au peloton d'exécution... Se voit mort, déjà.
Mais c'est la mort des bandits, emportés par les diablotins, qui fut très marquante pour le jeune lecteur que j'étais.
Les références :

dans cette BD :Une lettre d'espion est signée X14, qui rappelle la première appellation des Dupondt (X33).

dans le dessin animé :


Hergé est présent dans chaque épisode de la série télé.

à cette BD :






Dans Fétiches :





Liens :

sur Tintin.com
de l'info sur wikipedia
Les trains